Mon téléphone intelligent, ce cordon ombilical

Mon téléphone intelligent, ce cordon ombilical

Il n’y a pas si longtemps, à peine euh… quoi déjà vingt ans ! Le temps passe si vite qu’on ne se voit pas vieillir. Bref, lors de mon dernier voyage, je me suis remémoré mes voyages passés ; ceux faits avec une amie, en solo ou avec d’autres êtres chers. Pourtant, à ce moment-là, c’est une tout autre réalité qui m’a frappée.

Peut-être est-ce dû à l’âge, et au fait que j’ai des enfants et des responsabilités, me direz-vous, mais la différence que j’ai ressentie et que je ressens encore, je l’attribue surtout à ce cordon ombilical qui me suit partout : ce sacré téléphone intelligent !

Oui, je l’avoue, il me sécurise, car je peux m’y fier et faire appel à lui à tout moment.

Il me sécurise dans l’ascenseur puisqu’en cas de besoin, je peux appeler les secours et mes proches qui me cherchent. Je peux le consulter lorsque je cherche mon chemin ou que je veux trouver un dépanneur, un bon restaurant, une pharmacie ou une activité à proximité. Si je m’ennuie de mes enfants, je peux les texter et Facetimer avant même de m’ennuyer. Si je veux connaître le temps qu’il fait et qu’il fera demain, et bien, j’ai mon ami, ce cher cordon ombilical !

Il me sécurise et m’attache à lui par la même occasion

Quand je reçois un message, je peux même y répondre sur-le-champ, même lorsque je suis à la plage (ou bien tranquille avec moi-même), sans compter le risque de le regarder de façon obsessionnelle pour voir si quelqu’un m’a écrit afin d’avoir le sentiment d’exister pour quelqu’un. C’est un fait, mon téléphone intelligent me sécurise, mais il sécurise aussi mes proches qui n’ont pas le temps de s’ennuyer.

Je réalise que bien que j’ai pourtant besoin de temps avec moi-même, dans mes réflexions et mon écriture, j’ai troqué papier et crayons pour mon cordon ombilical sur lequel je peux écrire tout ce que je veux et qui ne se chiffonnera pas.

Mais ce médium me fait-il autant de bien que le papier ?

 

Je suis loin d’en être certaine. Je dirais plutôt l’inverse. Je suis certaine que le papier me fait plus de bien, car je ressens un effet d’apaisement après l’écriture. Pour d’autres, c’est l’inverse et c’est correct ainsi. D’ailleurs, les neurosciences l’expliquent par le fait que les zones activées au niveau du cerveau ne sont pas les mêmes lorsqu’on écrit sur du papier que sur un écran.

Mais bref, là où je voulais en venir avec ce propos, c’est le constat frappant que je suis beaucoup moins en contact avec moi-même, comme la majorité des gens de notre époque actuelle. Probablement que plusieurs d’entre vous se reconnaissent dans mes écrits. Pourtant, être davantage en contact avec ce qui se passe en soi, avec tous les sentiments et les angoisses qui nous habitent, dont la solitude existentielle que nous affrontons tous à un certain moment, a un réel impact sur le bien-être. Quand on a apprivoisé la solitude et qu’on a éprouvé du plaisir à la ressentir, c’est beaucoup moins pénible lorsque la vie nous y confronte malgré nous.

Apprivoiser la solitude

 

En écrivant ces quelques mots, je pense à une entrevue accordée à une journaliste qui me questionnait sur les façons « d’être avec soi-même ». Cette simple question m’a fait réaliser l’ampleur du phénomène du cordon ombilical, mais m’a aussi fait prendre conscience de mon propre cheminement.

Je me suis mise à penser qu’avant d’avoir ce cordon ombilical (dans une ancienne vie !), et avant de faire une psychothérapie et devenir psychologue, je ne savais pas ce que c’était d’être avec soi-même.

Je me rappelle la souffrance qui m’habitait à cette époque ; une souffrance que je fuyais sans cesse dans l’action (j’aurais été diagnostiqué TDAH, c’est certain). Je me rappelle même avoir dit à ma psychologue : « Ça se peut d’être là, assis à ne rien faire ? »

Pour moi, c’était impensable, mais attirant !

Couper le cordon

 

En prenant conscience de l’importance d’être avec moi-même, je peux choisir de mettre de côté ce cordon ombilical pour me permettre ce moment de solitude à observer ce qui se passe autour de moi et en moi, dans mes pensées, et ce, sans nécessairement faire de la méditation. Juste ÊTRE.

Ce contact avec soi, qui permet de trouver la paix et le bien-être à l’intérieur de soi, me rappelle les propos de l’humoriste André Sauvé dans un de ses spectacles lorsqu’il utilise l’image du centre d’un cyclone (l’œil du cyclone) pour illustrer cette quiétude intérieure.

La solitude, ça s’apprivoise, bien qu’il soit souvent difficile de résister à la tentation de regarder notre cordon ombilical plutôt que de passer à l’action.

Avec de la pratique, il est possible d’apprivoiser la solitude, à petits pas, à raison de quelques minutes par jour ou en rangeant ce cordon ombilical à différents moments de la journée. Ce peut être aussi en marchant sans toutefois mettre de la musique dans nos oreilles. Parce que tôt ou tard, ce cordon sera coupé et on se retrouvera seul avec soi-même. À ce moment, le choix sera sans équivoque. Il faudra croire en soi, en ses propres capacités et faire confiance à la vie ! Offrons-nous l’occasion de s’apprivoiser…

 

 



Nathalie Parent Psychologue