Cinq éléments à considérer dans la relation enseignant — étudiant postsecondaire

Cinq éléments à considérer dans la relation enseignant — étudiant postsecondaire

« Bonjour à tous, il me fait bien plaisir d’être avec vous aujourd’hui pour ce premier cours de la session. Voici ce que je vous propose aujourd’hui : je vais débuter par me présenter afin que vous sachiez un peu qui je suis et connaître le genre d’enseignante que vous allez avoir. Puis nous regarderons ensemble le plan de cours (partie toujours un peu ennuyante sauf pour la partie calendrier et évaluations de la session dont vous avez tous hâte de voir de quoi aura l’air votre session !). Par la suite, nous allons effectuer un exercice d’introduction, afin d’apprendre à nous connaître. D’ailleurs, pour l’exercice d’introduction, je vous demanderais d’écrire vos noms en avant de vous afin de savoir à qui je parle. Et finalement, je vous laisse du temps pour aller chercher votre matériel pour la session et ainsi débuter tranquillement à faire vos lectures pour la semaine prochaine. Est-ce que ça vous va ? »

C’est comme cela que ça se passait lorsque je donnais mes cours à l’Université, il n’y a pas si longtemps.

Plusieurs études démontrent que l’existence de relations interpersonnelles entre professeur et étudiants est à la base du développement et du changement d’attitudes des étudiants eux-mêmes à l’égard des savoirs enseignés (Newton et Papaux, 2012). Le bien-être de ces jeunes adultes qui « décrochent » ou vivent de grandes difficultés d’adaptation arrivés au Cégep et à l’Université est préoccupant. On met en place des adaptations pour les aider (plus de temps pour faire l’examen, local isolé, délais dans la remise), mais on oublie parfois la base : la relation éducative. Mettre en place dès le départ une relation significativement positive où l’étudiant se sent validé, écouté, soutenu et considéré dans son processus d’apprentissage fait toute une différence. Ce qui est tout aussi possible dans l’enseignement à distance (Alexandre, 2020) dont je ne traiterai pas ici.

Quelques aspects à considérer dans la relation éducative

 

1) Créer un premier contact visuel et favoriser l’individualité : donner à l’étudiant le sentiment qu’il existe en tant que personne et non comme un numéro dans un groupe. Faire l’accueil en présence, prendre le temps de connaître chacun même si c’est un grand groupe, solliciter les silencieux sans les interpeller individuellement pour préserver le sentiment de honte, interpeller l’étudiant par son prénom, créer des moments d’échanges individuels ou en petits groupes et circuler à travers le groupe pour échanger avec chacun. Se faire confiance et donner le bénéfice du doute.

2) Démontrer un réel intérêt pour ses étudiants et être engagé stimulera le sentiment d’engagement de l’étudiant et un sentiment d’appartenance au groupe : s’intéresser à eux, à ce qu’ils font, comment ils ont passé leur semaine, parlez de vous, racontez des anecdotes, montrez vos vulnérabilités, le fait que vous ne savez pas tout et reconnaissez vos erreurs afin qu’ils se sentent légitimes d’en faire, faites-les réfléchir en leur posant des questions pour chercher à comprendre où l’étudiant se situe dans sa réflexion plutôt que répondre rapidement à leur question et préciser que vous répondrez après les avoir écoutés.

3) Tenter de comprendre la réalité vécue par les étudiants et leur démontrer comment chacun réagi à la suite de la présentation du plan de cours, d’un travail à faire ou des examens qui approchent (stress, appréhension, etc.), s’informer de leur horaire d’examens afin de voir les possibilités de ne pas placer 2-3 examens dans la même journée, etc.

4) Être disponible et authentique : prendre le temps d’être là pour eux durant le cours, répondre à leurs questions ou inviter l’étudiant à en parler après le cours ou à un autre moment lorsque vous sentez que ce n’est pas l’ensemble du groupe qui a le même besoin. Donner les résultats d’examen ou de travail durant le cours afin de décortiquer pour comprendre le résultat puis être disponible pour en discuter et entendre la rétroaction des étudiants. Trop d’étudiants reçoivent des notifications à tout moment de leur journée durant la session pour les informer d’une précision, d’un résultat à la suite d’un travail remis ou un examen passé. Quand je dis à tout moment, c’est que les jeunes en plein party ou lors d’un souper tranquille ou seul dans leur lit en fin de soirée, reçoivent une notification comme quoi leur résultat est entré. Ils ont le choix d’aller voir ou pas sur le moment, mais disons que la tentation est forte « Est-ce que j’ai réussi ? » « Ai-je eu le résultat que je voulais ? ». Et là, ce n’est qu’une note qu’ils voient sans pouvoir faire les nuances nécessaires au bien-être mental de recevoir un résultat décevant ni pouvoir en parler à l’enseignant qui a une fonction de « contenant ».

5) Utiliser des stratégies d’animation de groupe pour stimuler l’intérêt de l’apprenant : ton de voix animé, stimulant et bienveillant, facilité les échanges, encourager les discussions, protéger l’estime de soi de l’étudiant par exemple en précisant qu’il n’y a pas de mauvaise question, en ne mettant pas l’accent sur les résultats, en ne nommant pas tout haut les notes (la plus haute, la plus faible) ni les comparer, favoriser l’entraide et l’explication par les pairs, miser sur le fait que chacun est différent et apprend à sa façon bien à lui.

Le but ultime de l’enseignement, n’est-ce pas de soutenir l’apprentissage de l’étudiant. J’ai toujours pris le temps de féliciter ceux qui réussissaient bien, mais aussi de m’intéresser à ceux qui avaient moins bien fait et leur permettre de se reprendre — tout comme je le faisais avec mes enfants quand ils disaient ou faisaient quelque chose d’impulsif afin de les aider à intégrer la bonne version.

Enseigner, c’est d’abord et avant tout donner les moyens à l’apprenant d’apprendre. C’est trop facile de critiquer un mauvais résultat avec des phrases comme « Tu n’avais pas assez étudié » ou « Tu es faible en écriture ! »

Par conséquent, j’évaluais également ces autres éléments :

 

☑️ Est-ce que mes méthodes d’enseignement permettent aux apprenants d’expérimenter la matière qui sera à l’examen ? (L’évaluation doit être directement liée à la matière apprise)
☑️ Est-ce que mes stratégies d’apprentissages permettent de rejoindre chacun des apprenants ?
☑️ Ai-je vérifié la compréhension des apprenants avant de donner un long travail évalué ou un examen ?
☑️ Est-ce que je fais des évaluations formatives avant les sommatives, autant pour un travail qu’un examen, etc. ?

Chers enseignants, parents, intervenants ou adultes qui gravitent autour des étudiants postsecondaires, rappelez-vous que si plusieurs jeunes décrochent, c’est peut-être par manque de soutien dans leur apprentissage. Ils ont honte, ils se sentent seuls et finissent par se décourager.

Soyez sensibles à cette réalité et créez des liens éducatifs !

Nathalie Parent, psychologue



Nathalie Parent Psychologue