Le trauma de l’accouchement

Le trauma de l’accouchement

« Alors que je me promenais avec la poussette et ma puce au magasin, j’ai rencontré une vieille connaissance : « Bonjour, tu as eu un deuxième enfant? Comment s’appelle-t-il ? » Sans oublier toutes les questions habituelles des nouvelles mamans… « Je me rappelle que ton premier accouchement avait été difficile, est-ce que ça a mieux été pour celui-là ? »

Ça y est, elle avait ouvert une brèche, elle avait enlevé un diachylon sur une blessure qui était en train de s’infecter. Je n’avais parlé à personne de cet événementévènement depuis mon accouchement comme s’il n’avait jamais existé et que c’était réglé : « Non, pas vraiment. En fait, j’ai eu une césarienne d’urgence et… Mais ce n’est pas grave, je n’ai pas à me plaindre, mon bébé est en vie et en pleine santé ! »

Je voyais la terreur sur son visage, je sentais le torrent de larmes venir en moi. Je venais de me rendre compte, neuf mois plus tard, que ce n’était pas réglé du tout. Je suis vite rentrée chez moi même si je n’avais pas fini mes courses. J’ai pleuré, pleuré ! Même si j’avais filé le parfait bonheur depuis, je n’avais pas accepté ce deuxième accouchement. J’ai tout de suite repris un rendez-vous avec la psychologue qui m’avait aidée lors de mon post- partum précédent.

Il n’était pas question de redescendre en enfer et je voyais que la ligne était très mince ! La veille, tout allait bien, et aujourd’hui, rien ne fonctionnait. Je n’étais pas vraiment en post-partum, j’étais finalement en état de choc post-traumatique de mon second accouchement… »1

Intro et définition

 

Pour certaines femmes, comme dans ce témoignage, l’accouchement peut être vécu comme blessant, voire traumatisant et laisser la mère en choc post-traumatique. Si en plus l’entourage de la mère (médecins, spécialistes, personnel soignant, famille, amis) nie, minimise ou banalise l’événement et ramène la mère à la chance qu’elle a d’avoir un bébé, sans le vouloir, cela renforce la blessure (blesse à nouveau ou retraumatise).

Avoir vécu une peur intense (peur de mourir ou de perdre bébé), un sentiment d’horreur (une hémorragie importante, une instrumentation intense) et d’impuissance peut amener la mère dans un état post-traumatique. Selon des études récentes, le pourcentage de risque augmente s’il s’agit d’un accouchement instrumenté, une césarienne non planifiée ou une difficulté vécue par le bébé.

Les symptômes post-partum associés au trauma de l’accouchement sont multiples : tristesse, dépression, anxiété, flash-back, réminiscences de l’événement, cauchemars, troubles du sommeil, évitement (éviter d’aller voir le médecin ou de regarder bébé pour ne pas avoir de flash-back), irritabilité, comportements de rage, etc. Tout cela peut entraîner un épuisement ou une dépression majeure chez la mère et des conséquences sur l’attachement, le développement de l’enfant et nuire au sentiment de compétence parental.

Espoir et moyens

 

L’objectif ici n’est pas de décourager ni de culpabiliser les mères, mais plutôt de les aider et de sensibiliser leur entourage et ceux qui œuvrent en périnatalité à ce phénomène encore tabou dont plusieurs restent prisonnières en silence.

Ainsi, sortir du silence pour en parler est déjà un premier pas vers l’apaisement de la souffrance. Si la mère n’y arrive pas, l’entourage peut le nommer pour elle ou devant elle. Par exemple, le médecin ou une infirmière pourrait reconnaître, avec empathie, l’accouchement qui a pu être difficile à vivre, voir même épeurant.

Comprendre que le vécu de la mère lors de l’accouchement laisse des traces émotionnelles, sans nier ni banaliser l’événement. Il faut être à l’écoute de son vécu puisque ce qu’elle a à dire est essentiel. S’intéresser à comment elle a vécu son accouchement en dehors du fait que tous sont heureux de voir que bébé va bien.

On peut également reconnaître la violence qui a été faite au corps, l’intrusion. C’est passer du mode opératoire / corps objet au mode relationnel / mère sujet. Car il y a bien eu une atteinte au corps, et si la mère a déjà vécu des traumatismes en lien avec son corps, ceux-ci risquent de se réactiver et en faire un trauma complexe.

Comme il y a eu atteinte au corps, c’est par le corps et la parole que la réparation peut se faire : prendre soin sans infantiliser, tenir compte des besoins et des désirs de la mère, de ses émotions, un toucher empreint de douceur et de bienveillance, de son rythme.

L’accouchement peut placer la mère dans un état de grande vulnérabilité, d’autant plus si elle ne détient aucun pouvoir de décision ou d’action sur son corps. Raison de plus pour placer la mère au centre des décisions. Et lorsque l’urgence l’oblige, alors il faut revenir avec elle sur son vécu et la soutenir le cas échéant.

Et pour favoriser la « guérison » d’un trauma post-partum, il nous faut considérer que c’est un processus. Un processus qui demande du temps. On ne peut pas forcer la guérison émotionnelle, mais l’accompagner. Tout comme on ne peut pas forcer notre digestion, celle-ci se fait à son rythme. Il est humain de vouloir en finir rapidement avec la souffrance, mais comme le disait le défunt psychanalyste Guy Corneau : « Pour sortir d’un deuil, il faut d’abord accepter d’y entrer ».

Conclusion

 

Que le post-partum laisse la mère dans un sentiment d’inconfort, d’anxiété, d’incompétence, de souffrance émotionnelle, de choc post-traumatique ou dans un état de bonheur et de plénitude, donner naissance à un enfant « remue » intérieurement la mère, au sens propre comme sens figuré. Nul besoin d’être en grande détresse pour demander de l’aide si vous êtes une maman en choc post-partum. Et si vous êtes un proche de la mère ou un intervenant, osez la référer aux bonnes ressources (médecin, psychologue, CLSC, ligne d’écoute), pour son bien-être et celui de sa progéniture. Osons briser le tabou et entourons la mère d’humanité.

Je tiens à remercier Claudie Simard de m’avoir contactée pour une entrevue télé sur le sujet. Cette rencontre particulière, empreinte d’émotions et d’authenticité, m’a inspiré ce texte.

Nathalie Parent
Psychologue, auteure, conférencière

1 – Extrait du livre Du post-partum à la dépression, renaître après la naissance aux Éditions Québec-Livres, 2014, de Nathalie Parent et Joanne Paquet.



Nathalie Parent Psychologue