La zone grise, vous connaissez ?

La zone grise, vous connaissez ?

On entend de plus en plus parler de l’impossibilité d’avoir des discussions réfléchies sur la place publique et des échanges cordiaux quasi inexistants sur les réseaux sociaux. Tout semble noir ou blanc. Plusieurs influenceurs, et professionnels de tout acabit proposent des solutions sans nuance. Mais où est la zone grise ? Cette zone que l’on atteint en écoutant et en réfléchissant avant d’écrire ou de parler plus fort que les autres ? On en discute avec Nathalie Parent, psychologue, auteure et conférencière.

La pensée « tout ou rien » ou « noir ou blanc »

 

Cette façon de penser que l’on appelle dichotomique ou polarisée ne laisse aucune place aux nuances de gris. C’est tout ou rien, noir ou blanc, jamais ou toujours, bon ou mauvais.

« Cette polarisation du discours s’est accentuée depuis la pandémie. Caché derrière un écran, c’est facile de réagir sans prendre le temps de réfléchir, et sans véritablement prendre connaissance du point de vue de l’autre ni de considérer qu’une personne humaine avec des émotions existe derrière l’écran et peut être blessée », affirme la psychologue qui s’inquiète de cette tendance au jugement rapide.

« Plutôt que de monter aux barricades à chaque fois qu’on lit un commentaire ou qu’on entend une opinion qui diverge de la nôtre, pourquoi ne pas s’arrêter et prendre un pas de recul. On peut réagir dans notre tête ou en parler à un proche plutôt que d’incendier la place publique. Et se demander : qu’est-ce qui fait que ça me touche autant ? Est-ce qu’il y a un lien avec mon histoire personnelle, mes valeurs, etc. ? En quoi ça me dérange moi personnellement ? »

Lorsqu’on aborde un sujet délicat avec un enfant, un adolescent ou même un adulte, on peut désamorcer bien des tensions en se mettant en mode écoute conseille Nathalie Parent.

« Moi ce que je fais souvent dans ma pratique et dans ma vie personnelle, c’est de vérifier auprès de l’autre ce qu’il en pense et comment il voit ça en mettant de côté mon opinion qui peut être bien différente. De cette façon, je peux écouter l’autre, le comprendre et le valider dans son point de vue très différent du mien. Ainsi, le système nerveux parasympathique s’active et la personne se calme naturellement. Il est alors plus facile de réfléchir ensemble. »

À quand le retour du balancier ?

 

Il faut souvent aller dans les deux extrêmes pour trouver un équilibre. Comme l’affirmait le défunt pédopsychiatre le Dr Michel Lemay, nous sommes passés d’une société contrôlée par l’église à une société de toute puissance où tout le monde a voix au chapitre.

« C’est très bien que tout le monde puisse s’exprimer, mais encore faut-il savoir écouter, réfléchir et donner la parole à l’autre. Personne ne détient LA solution à un problème ni LA réponse. Encore une fois, je reviens aux nuances de gris. Il est sain de s’inspirer de modèles, mais sans nécessairement les reproduire en totalité. Il faut réfléchir pour déterminer ce qui nous convient à nous », affirme la psychologue.

Heureusement, il y a de l’espoir ! Les jeunes familles sont beaucoup plus sensibilisées à l’importance de contrôler le temps passé devant les écrans et à la nécessité d’enseigner aux enfants les rouages de la communication et la pensée critique.

Écouter pour valider l’autre, réfléchir pour développer sa pensée critique et discuter après s’être calmé et questionné sur l’intensité de son émotion aide à avancer comme personne et comme société. Tel est le souhait formulé par Nathalie Parent, psychologue.

Article écrit par Marie-Claude Veillette en collaboration avec Nathalie Parent, psychologue. Tous droits réservés. Reproduction interdite sans l’accord de l’auteure.



Nathalie Parent Psychologue